Les dossiers noirs
Il pense à ce projet depuis quelques années. Le scénariste a déjà eu l'expérience de la télé avec l'écriture, à partir de 1966, des scénarios des épisodes des Chevaliers du ciel pour l'ORTF. La mise au point de ces histoires dans un contexte authentique lui a donné plus d'une fois l'occasion de jouer au documentariste lorsque parfois, il s'agissait de présenter d'une façon didactique telle ou telle action des pilotes : ces scènes étaient ni plus ni moins que de véritables reportages filmés. D'autre part, Jean-Michel Charlier avait appris à cette époque, et par hasard, qu'il pouvait, grâce à son travail de scénariste, prétendre à l'obtention de la carte de réalisateur de télé. Muni de cette expérience et de son riche passé de journaliste depuis toujours, de responsable éditorial ici et là - dont récemment rédacteur en chef de Pilote et directeur littéraire à Dargaud - et de "réalisateur" (en fait scénariste) à la télévision, il prend rendez-vous en 1972 avec le directeur de la nouvelle chaîne, Jean-Louis Guillaud. Celui-ci, s'il a l'infrastructure, dispose de peu de financements et cherche des créateurs et des idées pour remplir la grille d'une chaîne embryonnaire à laquelle peu de professionnels croient. De son côté, Jean-Michel Charlier a des idées, de la matière et des revenus confortables grâce à la BD, mais pas de matériel technique ni d'équipe. Le directeur est impressionné par le personnage et emballé par le projet : les deux hommes se complètent donc et s'entendent à merveille.
Dans le générique de début de chaque "Dossier noir", la main de Jean-Michel Charlier (à droite) ouvre la porte d'un coffre-fort. Un coffre-fort censé contenir tous les secrets des grandes affaires mystérieuses du XXe siècle... JMC se lance dans ses enquêtes mais, avouant ne rien connaître à ce nouveau métier, on lui adjoint un réalisateur. Qui a le tort de ne pas comprendre l'anglais, ce qui est un grave handicap quand il s'agit d'interviewer des Américains par exemple. Bien vite, JMC comprend le fonctionnement d'un enregistrement et bientôt se passe du réalisateur : il prendra lui-même cette fonction. Il s'occupe aussi assez vite du montage des films, auquel il accorde une importance particulière : la marque de fabrique des documentaires de JMC, ce sont des montages serrés, dynamiques, sans temps mort, noyant le téléspectateur sous une profusion d'informations en cascade. Là aussi, l'expérience du scénario de BD, découpé image par image et tenant en haleine le lecteur, joue un rôle capital.
Les deux annonces figurant au début de chaque générique des Dossiers Noirs. Jean-Louis Guillaud contacte en particulier un caméraman et réalisateur de télé basé aux Etats-Unis, Tony Daval, qui a couvert là-bas un certain nombre d'affaires depuis une bonne dizaine d'années. Daval et Charlier se rencontrent et sympathisent ; ils travailleront ensemble en Amérique du nord. Un autre caméraman sera aux côtés de JMC, en Italie par exemple, pour le tournage ultérieur des documentaires sur la maffia. JMC emmène avec lui, outre-Atlantique, sa femme Christine, engagée comme scripte et documentaliste (elle se rendra dans divers centres d'archives pour récolter l'iconographie illustrant certains Dossiers noirs, comme ceux sur Al Capone) ; en 1976 et en été 1977, il engagera également comme assistant monteur son fils Philippe qui apprendra ainsi le métier. JMC travaillera sur trois Dossiers noirs avec un ami, Georges Grod, crédité comme co-réalisateur sur les mercenaires en Afrique et l'affaire Moïse Tshombé.
A gauche : le réalisateur des premiers Dossiers Noirs s'appelle Daniel Tomasi.
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18 juillet : Menahem Begin et l'Irgoun. L'histoire de Menahem Begin et de l'armée juive clandestine Irgoun Svai Leumi qui secoua la Palestine par ses opérations spectaculaires et toujours victorieuses, de 1944 jusqu'à la création de l'Etat d'Israël en 1948 (ce documentaire, diffusé lorsque Begin n'était pas encore premier ministre d'Israël, sera, par censure, interdit de rediffusion à la mort de celui-ci).
25 juillet : Edgar J. Hoover et le FBI. La vie et les basses oeuvres du grand patron du FBI, la police intérieure des Etats-Unis (Jean-Michel Charlier avait, l'année précédente, publié un livre sur le même sujet, écrit d'après son enquête diffusée donc à la télévision après la sortie de l'ouvrage). 1er août : Les hommes torpilles du prince Borghèse (réalisation de Daniel Tomasi). Les exploits des nageurs de combat italiens, utilisant des torpilles humaines pour coller des mines contre les coques des bâtiments alliés, sous la direction du prince Borghèse au sein de la Décima MAS. 8 août : Stavisky. (Jean-Michel Charlier a publié l'année précédente un livre sur cet escroc qui déstabilisa la troisième République, écrit d'après son enquête pour la télévision).
15 août : Conrad Killian. L'explorateur qui pensait pouvoir trouver du pétrole dans le Sahara. JMC en tirera un feuilleton télé. 22 août : Claire Lee Chennault et les Tigres Volants. La formation et les aventures d'une escadrille de mercenaires volants, basés en Chine et agissant contre les Japonais, l'American Volunteer Group, plus connu sous le nom de "Tigres Volants". 29 août : Alfred Naujocks. L'escroc allemand qui pensait inonder l'Europe de fausse monnaie durant la Deuxième guerre mondiale (Jean-Michel Charlier en tirera un livre publié en 1983). 9 janvier : Al Capone, tsar du crime. L'histoire du petit tueur napolitain devenu empereur du crime aux USA par l'élimination de tous les autres gangsters de l'époque et par sa mainmise absolue sur la mairie, la justice, la police et la presse de Chicago. 16 janvier : Les pilotes de la dernière chance. L'histoire de certains pilotes mercenaires, au Congo et ailleurs, tel René Druillet, qui tenta de travailler pour le Négus, André Malraux dans l'aviation républicaine durant la guerre d'Espagne, Delin, le mystérieux "Affreux" du Katanga, Jimmy Boggaert durant la révolution en Chine, et Léon Libert, devenu, en autodidacte, pilote de quadrimoteurs DC-4, André Zumback, autre mercenaire au Katanga, et le baron de Rosen au Nigeria. 23 janvier : William Hearst, l'homme le plus haï des USA. L'histoire de ce milliardaire, patron d'un immense empire de presse, qu'Orson Welles prit comme modèle pour son film Citizen Kane. 30 janvier : Howard Hughes (réalisation Yolande du Luart). Au moment où ce documentaire a été réalisé, on ne savait pas si Hughes, le milliardaire américain excentrique et reclus, l'un des hommes les plus riches et les plus mystérieux au monde, était mort ou vivant. 13 février : Viva la Revolucion ! Véritable héros de western au coeur de la naissance sanglante et tumultueuse du Mexique moderne, Pancho Villa se fit bandit, commandant une troupe de "desperados" violemment opposés au Gouvernement du président Diaz, attaquant des banques et des trains... A partir du matériel réuni pour ce documentaire et le suivant, Jean-Michel Charlier a tiré une série en bande dessinée : Los Gringos. 20 février : Pancho Villa. Second épisode sur la révolution mexicaine. 12 mars : La sécession du Katanga (co-réalisation : Georges Grod). L'indépendance du Congo belge entraîne la sécession de sa plus importante région, le Katanga, par Moïse Tshombé qui recrute une armée de mercenaires. 19 mars : Le destin tragique de Moise Tshombé. Second épisode sur la sécession du Katanga.
Sur l'un des écrans, on lit le nom du principal caméraman de JMC, Tony Daval, et celui de Christine Charlier, épouse de JMC qui collabora à plusieurs Dossiers noirs. 14 avril : L'assassinat de John Fitzgerald Kennedy (1). Un certain Lee Harvey Oswald. Cette première émission relate les aspects inconnus de l'attentat de Dallas contre le président américain John F. Kennedy, en novembre 1963 : avertissements et menaces préalables reçus par Kennedy ; connaissance et surveillance par le FBI de Lee Harvey Oswald plus de huit mois avant l'assassinat ; l'étrange personnalité et les activités suspectes d'Oswald, dans les Marines d'abord, puis en URSS comme agent de la CIA affecté aux communications clandestines avec les avions espions U2 ; les négligences à peine croyables de l'organisation du cortège présidentiel le 22 novembre 1963, les carences et les "erreurs" aussi énormes que volontaires des premières investigations de la police de Dallas et du FBI ; les circonstances troublantes de la liquidation d'Oswald par Jack Ruby ; les silences du procès de celui-ci ; etc. 21 avril : Kennedy (2). Six secondes pour tuer. Stricte et méthodique contre-enquête à partir des contradictions, invraisemblances et incroyables conclusions du rapport Warren, truqué avec l'accord de la Maison-Blanche pour "raison d'état". Cette seconde émission, documents officiels, films et photos inédits à l'appui, prouve que J. F. Kennedy a été tué par plusieurs assassins dont certains postés face à lui (Oswald était derrière lui) ; qu'une balle dont personne n'a jamais parlé, a été trouvée dans le corps du Président et escamotée, contre reçu officiel, par deux agents du FBI présents dans la salle d'autopsie ; que les notes d'autopsie ont été détruites par les médecins non qualifiés qui ont procédé à celle-ci, sous le sceau du secret militaire ; que la localisation officielle des blessures reçues par JFK est en contradiction formelle avec le rapport d'autopsie ; que le cerveau de Kennedy a disparu... L'émission refait toute l'enquête policière et médico légale sur l'assassinat, et fait le point sur les morts violentes et mystérieuses de plus de cent témoins clés de l'affaire. 28 avril : Kennedy (3 et fin). La vérité en marche. Toujours avec faits et témoignages à l'appui, l'explication la plus probable du mystère Kennedy. Vérité vers laquelle s'achemine la commission d'enquête du Congrès, qui dénonce certains personnages aussi bien informés que John Haldeman, assistant de Richard Nixon, condamné après l'affaire du Watergate. Cette émission retrace l'organisation du complot : la mise en place du bouc émissaire, Lee Harvey Oswald, agent de la CIA et indicateur du FBI.
24 septembre : Les rois secrets de l'Indochine, ou : Dien Bien Phu pouvait-il être sauvé ? Enquête de Pierre Demaret. Dien Bien Phu pouvait être sauvé, d'après certains officiers français chargés d'organiser, sur les arrières des Viets, de puissants maquis indigènes composés de pirates, de membres de sectes, de Catholiques... Avec les interviews du général Salan, des colonels Leroy, Trinqier et Sassi, de l'historien Henri Amouroux et d'autres personnalités dont Jean-Marie Le Pen. 1er octobre : Le carburant miracle d'Ivan Makhonine. Né à Saint Pétersbourg en 1895, émigré en France en 1921, l'ingénieur Makhonine invente et fabrique un nouveau carburant qu'il extrait indifféremment d'huiles végétales ou de charbons pauvres inutilisables par l'industrie. Les grandes compagnies pétrolières feront tout pour qu'il ne commercialise pas son procédé (JMC avait déjà tiré de ce personnage et de ce thème une histoire en bandes dessinées dans sa série La Patrouille des castors, intitulée Le Signe indien). 8 octobre : Werner von Braun, L'inventeur des fusées et celui qui permit que l'Homme marche sur la Lune.
22 octobre : Eva Braun. La maîtresse d'Hitler. Autoportrait d'un fasciste : Léon Degrelle. Documentaire sur celui que l'on considère comme le fils spirituel de Hitler, et que Jean-Michel Charlier a longuement interviewé en Espagne où l'ancien chef rexiste vivait réfugié.
4 juillet : Lucky Luciano (1). L'histoire du premier Syndicat du crime aux Etats-Unis, de 1931 à 1960, à travers la personnalité et la vie de Salvatore Lucania, alias Charlie "Lucky" Luciano. Une évocation à l'aide de témoignages et de documents. 11 juillet : Lucky Luciano (2), l'Internationale du crime. De 1945 à la fin de la génération des grands patrons du crime organisé aux Etats-Unis, dans les années 1960.
10, 17 et 24 septembre : rediffusion des trois émissions sur l'assassinat de John Kennedy, diffusés en avril 1978. Des informations nouvelles sont venues en raison de la sortie d'un rapport officiel américain, peu après la première diffusion de la trilogie. Pour l'occasion, à la fin du troisième volet, Jean-Michel Charlier intervient en personne et en direct sur un plateau réunissant divers invités. |